Comment se relancer après un échec ? L'interview de Laurent Lingelser

Publié le 28/11/2016 12:19 | Mis à jour le 20/07/2022 11:18

C’est le pire cauchemar des entrepreneurs. Mais lorsqu’on crée une entreprise, le risque d’échec est malheureusement à prendre en compte. En effet, 90% des startups créées sont amenées à échouer. Pourquoi tant de candidats et de travail accompli pour si peu d’élus ? Quelles sont les causes d’échec et comment les éviter ? Et surtout, comment se relever?

Pour répondre à ses questions, nous avons rencontré Laurent Lingelser, serial entrepreneur et globe trotteur qui a du faire face à la faillite de son entreprise. Malgré la difficulté, il a su rebondir très vite sur d’autres projets. Il revient sur cet échec sans langue de bois !

Bonjour Laurent ! Vous êtes un caméléon qui a eu plusieurs vies professionnelles ! Pouvez-vous nous décrire rapidement votre parcours ?

En effet ! A la base, rien ne me prédestinait à l’entrepreneuriat. Après une école de commerce, je me suis expatrié plusieurs années aux Pays-Bas, où j’ai travaillé dans une entreprise de prêt à porter. A force de gravir les échelons, je suis devenu Directeur Général France et Belgique. En charge du développement international de l’entreprise, mes missions se rapprochaient de l’esprit entrepreneurial, ce qui me plaisait beaucoup. Mais malheureusement en 2011, après le rachat de la société, je me suis retrouvé à faire un travail dénué de sens, mais surtout à devoir licencier toutes mes équipes. Je ne l’ai pas supporté, c’était pour moi un premier échec cuisant, j’ai préféré partir. Après une période de grosse remise en question, j’ai décidé de tout plaquer et d’oublier le salariat. Au lieu de rechercher un autre CDI, j’ai pris mon sac à dos et je suis parti sur un coup de tête faire un tour du monde de 60 jours. En rentrant, je suis devenu consultant freelance en marketing et membre de l’association voyage Les Passeurs d’aventures. J’ai commencé également à courir, toujours en quête de renouveau dans ma vie ! C’est à ce moment là que j’ai rencontré Théo, un autre coureur qui m’a parlé de son concept de plateforme de mise en relation entre runners pour trouver des partenaires de course. Jogg.in est né ce soir-là, autour d’une rencontre et d’une envie commune de créer une communauté !

Pouvez-vous nous raconter l’ascension rapide et la descente aux enfers de votre startup Jogg.in ?

Très vite après sa création, un troisième associé nous rejoint. En 6 mois, nous atteignons déjà les 2000 utilisateurs actifs sur notre site et 50 sessions de running en groupe par semaine ! Nous enchaînons d’autres succès, comme l’organisation de la 1ère course française dédiée aux entreprises, un contrat avec le partenaire du Marathon de Paris Schneider Electric et nous étendons notre réseau dans plus de 100 villes en France. Malgré un business model encore un peu flou, notre entreprise est pionnière dans le monde du running, en pleine démocratisation partout en France. C’est pourquoi nous sommes contactés par Top Chrono, qui propose de racheter notre entreprise. Nous acceptons très rapidement, et en janvier 2015 nous laissons les rênes de la nouvelle entité à notre troisième associé, certains du futur brillant de notre beau et prometteur bébé.

Se succèdent ensuite des levées de fonds, rachats de startups, ouverture de filiales à l’international et l’embauche massive de plus de 20 personnes, tout cela sans encore rentrer d’argent ! Ils ne nous payent finalement que 40% de la somme négociée lors du rachat, ce qui nous permet juste de rembourser la somme engagée au départ du projet. Nous ne faisons plus partie du projet, donc nous ne pouvons qu’observer sans rien faire notre ancienne société aller droit dans le mur. A l’heure actuelle, Top Chrono Innovation, propriétaire de Jogg.in est en liquidation judiciaire avec une dette de 1,8 millions d’euros. Et nous ne percevrons jamais l’argent de notre rachat.

Une vraie douche froide… Pensez-vous que vous auriez pu éviter un tel échec ? Quels sont les erreurs à éviter ?

Bien sûr. Nous avions un concept intéressant qui avait toutes les chances de marcher, comme bon nombre de startups qui se créent. Ces derniers mois, Save et Take Eat Easy sont aussi passés en redressement judiciaire alors qu’ils avaient un très bon concept. L’idée ne fait donc pas tout.

Nous avons fait plusieurs erreurs « de débutants » qui ne semblent pas graves tout de suite mais qui finalement sont fondamentales pour le futur d’une entreprise.

Premièrement, notre business model n’était pas clair. Nous avions envie de créer une entreprise, mais nous n’avons jamais tranché sur la manière concrète de faire de l’argent : nous voulions ouvrir le concept en marque blanche pour les entreprises, également faire de l’événementiel… nous sommes peut-être partis dans des directions trop différentes sans avoir de fil rouge et de structure solide sur le long terme.

Nous avons également fait l’erreur de nous associer alors que nous avions tous les trois des profils similaires en marketing, et pas assez de compétences techniques. Par exemple, nous avons dépensé beaucoup d’argent pour développer notre plateforme, ce qui ne serait pas arrivé si nous avions eu au moins quelques notions de code au sein de l’équipe.

Fiers de notre réussite malgré tout, nous avons revendu très rapidement notre société, trop rapidement. Nous avons pris la première offre qui venait, sans vraiment s’assurer de la solidité de la stratégie et du business model proposé par les acheteurs.

Et enfin, notre plus grosse erreur a été d’avoir une confiance aveugle en notre associé qui nous a berné. Si nous nous étions associés dès le début avec des personnes qui partageaient nos valeurs, nous n’aurions pas subi cet échec. A mon avis, tout le monde ne naît pas entrepreneur. Il faut avoir une passion pour l’innovation bien sûr, mais aussi pour les personnes qui nous entourent et qui nous aident à monter ce projet. Comme on le dit souvent, il faut savoir bien s’entourer ! Notre entourage nous avait prévenu dès le début sur la malhonnêteté de cet associé, et nous aurions dû les écouter dès le départ. Même s’il ne faut pas toujours faire ce que vos proches vous disent, il est intéressant de les écouter. Ils représentent un soutien précieux et peuvent avoir une vision distancée de votre projet  que vous n’avez pas !

D’après vous, comment rebondir après un échec ?

Mon cas est un peu particulier, j’avais déjà rebondi avant même le déclin de Jogg.in ! Pour moi, en tant qu’entrepreneur, il est important de toujours se remettre en question, et de penser à des nouvelles manières d’innover. Vos projets sont faits de passion et de rencontres. Et bien sûr, il est important d’apprendre de ses précédentes erreurs ! J’ai fondé en 2015 avec mon associé actuel Florian une société de production video, qui a déjà réalisé plusieurs documentaires, surtout sur le voyage. Rencontré à un apéro voyageur, il est même devenu mon colocataire. Cette fois-ci, pas de problème car nous partageons les mêmes valeurs tout en ayant des profils complémentaires : je m’occupe du marketing et il s’occupe de la production vidéo ! J’ai donc combiné ma compétence marketing avec ma passion pour le voyage.

C’est ce que je recommande à tous les entrepreneurs qui subissent un échec. Se relancer bien sûr dans un projet dès que possible. Surtout il est important de faire de sa passion, quelque chose qui aura du sens, tout en se servant de ses compétences.

Merci à Laurent pour son témoignage ! Malgré cet échec, Laurent est  maintenant co-fondateur de la société de production Les Coflocs et Théo est intrapreneur dans une société d’événement sportif. Ils ont donc rebondi avec succès, et ils n’ont pas arrêté la course pour autant !

 

Le conseil d’Hiscox :

En tant qu’entrepreneur, vous faites face à de nombreux risques et vous avez droit à l’erreur. Certains litiges peuvent pourtant avoir des conséquences très négatives pour l’entreprise en termes d’image et de qualité de service. Ils peuventmener dans le pire des cas à l’échec de votre projet. Que ce soit une perte d’informations confidentielles, un litige client ou de la responsabilité du dirigeant qui est mise en cause, la Responsabilité Civile professionnelle vous permet d’anticiper ces risques. Elle est l’assurance vie de votre entreprise.